Autant le dire tout de suite, le campagnard récemment devenu citadin des quartiers calmes que je suis n'arrive pas ici dans la plus grande sérénité. Malgré les multiples démonstrations de gentillesse et d'ouverture des gens que j'ai pu rencontrer, les avertissements des guides que j'ai pu consulter mais aussi les recommandations des brochures de l'université ont été rapidement et bien intériorisés, surtout quand ils vous sont répétés par les colocataires dès l'arrivée.

La fermeture appliquée des grilles puis des portes de la maison, les panneaux annonçant les alarmes de toutes les maisons, les recommandations impératives de ne pas se déplacer seul quand le soleil décline ou de demander quoi que ce soit à qui n'est pas un agent de sécurité m'ont assez rapidement plongé dans une atmosphère un peu pesante . On en vient à flipper quand on croise quelqu'un dans une rue peu fréquentée, à se demander si on aurait pas mieux fait de partir plus tôt de la fac quand la nuit tombe et dans tous les cas, à surveiller les alentours, étant toujours prêt à dégainer quelques centaines de rands, si jamais...

Puis au bout de quelques jours sans aucun problème, on se dit qu'il faut relativiser un peu, que c'est assez ridicule de se sentir sur le point d'être braqué tout le temps. On se sent plus tranquille, même si les consignes de sécurité dirigent encore le comportement qu'on adopte dans la rue, jusqu'à l'annonce de nouvelles infos. Julia, la coloc allemande, s'est fait voler son téléphone portable et son sac dans une rue perpendiculaire en rentrant à midi, rue qui respire pourtant le calme...

Puis on lit l'équivalent du bulletin communal d'Observatory, on y apprend qu'il est né du ras-le-bol des habitants du quartier en même temps qu'une milice qu'ils paient tous les mois (j'ai du voir des vrais policiers dans le quartier 2 fois depuis mon arrivée, ceci expliquant cela), suite à une succession de meurtres l'année dernière. Ambiance.

Et pourtant, quand on s'aventure un peu hors des créneaux horaires recommandés, en prenant un max de précautions (quand je dis précautions, lire un paquet d'espèces et une surveillance active des alentours sur des itinéraires bien éclairés), on ne croise personne, ou alors des gens qui vous saluent tranquillement... Et le quartier n'est pas spécialement réputé pour ces problèmes, par rapport aux endroits qui l'entourent.

Je pensais pouvoir me faire une idée sur ces questions, le temps aidant. Pour l'instant, si je m'autorise quelques écarts aux règles du couvre feu et si je refuse de me claustrer, je n'oublie pas de faire attention et je garde toujours à l'esprit qu'il doit bien y avoir des gens moins sympas que tous ceux que j'ai découvert ici pour l'instant, même si ça ne me plaît pas de devoir penser comme ça...

Toujours est-il qu'il faut vivre avec, dans ce pays où la violence du passé et l'extrême pauvreté côtoyant l'aisance matérielle rendent les situations parfois très limites, situations que l'on peut éviter en restant prudent et en oubliant pas que l'on est pas dans le 7e arrondissement!