Prenez un petit van, collez-y un autocollant qui ferait presque croire au touriste qu'il existe des lignes pour les minibus, avec des départs et des terminus. Un chauffeur un peu nerveux, et son partenaire rabatteur-caissier parmi les clients, à l'arrière. Vous imaginez bien que les banquettes d'origines ont été soigneusement démontées et qu'on y a préféré des modèles permettant de doubler la capacité. Capacité qui selon l'autocollant collé dans le minibus est maintenant limitée à 13 ou 15 personnes.

Le principe est simple. Le minibus part d'une gare routière une fois qu'il est bien rempli (pas moins de 15 passagers), en direction d'un quartier ou d'une petite ville voisine. Chacun descend plus ou moins laborieusement où il veut, ou plutôt où le chauffeur s'arrête, souvent 200 mètres trop loin. Vous essayez de faire parvenir vos 3 rands au rabatteur-caissier. Petite précision, le tarif étudiant (qui s'applique quand vous demandez a vous arrêter au niveau de UCT, sans justificatif), est de 3,50 rands, puisque les étudiants ont en général plus de moyens que les passagers lambda...

Pendant ce temps, le chauffeur roule à 80 km/h minimum dans les rues bien chargées, slalomant entre les cars et les voitures, tout en klaxonnant dès qu'il aperçoit quelqu'un qui marche dans la même direction. À ce moment, le rabatteur sort la tête par la fenêtre, pour crier, selon le sens dans lequel vous roulez sur la Main Road, WAAAAAÏÏÏÏÏÏNEBURGGGGGGGG (Wynberg, le terminus, si l'on peut appeler ça comme ça), parfois décliné en MOBLAAYYY-CLELEMONTTT-WAAAAAÏÏÏÏÏÏNEBURGGGGGGGG (Mobray Claremont Wynberg, les quartiers traverses) ou KEEEEEEEPPPPTTTTIAAA (Cape Town). Le chauffeur pile en cas d'absence de réponse du passant, laissant le temps au rabatteur d'hurler deux fois plus fort la destination.

Si vous pensez avoir de la chance en prenant un minibus presque vide ce matin, parce qu'il a déjà déposé beaucoup de monde sur son chemin, vous vous trompez. Vous aurez de la place, mais uniquement jusqu'à ce que le minibus s'arrête pendant 10 minutes pour trouver suffisamment de personnes à entasser, le rabatteur partant à la recherche des voyageurs dans les rues environnantes, pendant que le chauffeur klaxonne sans conviction.

Mais pour bien vous situer la scène, il vous manque deux éléments, assez liés. Le minibus qui a du succès se reconnaît très vite: le tuning fait des ravages, même sur ces camionnettes, qui se retrouvent ornées de superbes jantes en alliage, de pneus larges et de jupes en plastique tout autour du châssis pour faire croire qu'il est rabaissé, un levier de vitesses avec un superbe décor panthère et parfois quelques ailettes sur le pare brise arrière. Le deuxième élément est bien sur l'indispensable lecteur cd dernier cri, associé à une dizaine d'enceintes encastrées dans le plafond, afin de diffuser le dernier Céline Dion à fond! Une fois, j'ai également eu de la techno avec des basses si prononcées que tout le minibus vibrait, et qu'une légère envie de vomir m'a pris à l'arrivée!

Bref, ces minibus appartenant à différentes compagnies occupent l'espace, et feraient tout pour vous embarquer, sauf quand parfois, il n'y en a pas un seul qui passe pendant 20 minutes. L'organisation de ces transports se limite vraiment à l'aménagement de la gare et aux autocollants officiels, et lorsqu'on sait qu'il est arrivé par le passé que la concurrence se règle à la mitraillette sur un minibus plein à craquer appartenant à une autre compagnie, on comprend que l'harmonisation des itinéraires et l'élaboration d'une grille de tarif, et pourquoi pas un contrôle technique des minibus, ne sont pas pour demain.