Tout commence dans l'avion de la South African Airlines entre Johannesburg et Cape Town, où vous trouvez sur votre emballage de sandwich la mention "Proudly packaged by SAA". On s'étonne de cette fierté assez modeste, mais bien affichée. Et pourtant, au fil du temps, un logo revient très souvent.

Shosholoza, le défi sud-africain pour l'America's Cup, ne déroge pas à la règle: il est Proudly South African.

Que ce soit sur un ordinateur assemblé dans le pays, sur n'importe quel emballage de produit alimentaire, sur le bateau pour ou sur une enseigne de boutique quelconque, les couleurs du drapeau sont partout regroupées sur cette étiquette. Derrière tout ça, un groupement de big businesses nationaux, encourageant à tout prix la consommation de leur produit plutôt que toute importation... Le protectionnisme via le marketing, il faut innover quand on veut conserver sa place dans la catégorie des pays qui sont open for business, éviter d'être pointé du doigt à l'OMC et par conséquent faire fuir tous les investisseurs étrangers.

Si l'on peut écarter l'hypothèse de la campagne de marketing diablement efficace qui a réussi à convertir la société au patriotisme économique, ce n'est pas non plus une simple réaction économique d'un pays dont les exportations ont souffert de la mention Made in South Africa après les émeutes à Soweto en 1976, lorsque le reste du monde a commencé à ouvrir les yeux sur l'Apartheid. Il y a là plus qu'une revanche d'étiquetteurs. C'est la population dans son ensemble qui est fière: les T-shirts reprenant le logo ou le slogan fleurissent.

Ce n'est pas non plus une fierté au penchants xénophobes: le panafricanisme est toujours en vogue, l'Afrique du Sud est un leader du NEPAD, Thabo Mbeki semble s'occuper autant des affaires du pays que de celles du continent. Certes, les gens ont tendance à ne pas porter les nigériens dans leur coeur (ils sont considérés comme des scammeurs - arnaqueurs -, voleurs ou dealers en puissance), mais bon, rien de très exceptionnel!

Pourtant, dans la Rainbow Nation, la nation arc-en-ciel, tout n'est pas si rose que ce que certains (l'ANC en tête) voudraient le laisser croire. La démocratie est encore bien fragile: en 1997, plus de la moitié des sud-africains auraient préféré y renoncer contre des services publics qui fonctionnent, et vu la lenteur des progrès, on peut imaginer que les chiffres n'ont pas sensiblement évolué. Les inégalités ont progressé depuis la chute de l'apartheid: l'Afrique du Sud est la seconde société la plus inégalitaire au monde, après le Brésil. Et les habitants des townships ont l'impression que la démocratie ne tient pas ses promesses. Contre cela, les logos et les slogans ne suffiront pas à entretenir l'illusion pendant très longtemps...

Malgré cela, quand on s'exprime en public, il est de bon ton de se déclarer Proudly South African. Même si en discutant avec des étudiants, on découvre que certains éprouvent une sincère honte en regardant l'histoire de leur pays et ce que leurs parents et grand-parents ont accepté, alors que la colère monte chez les autres qui ne voient pas les changements arriver jusqu'à ceux qui ont été les victimes de l'apartheid et qui restent aujourd'hui sur le carreau.