Nous sommes en train de vivre une époque charnière. Après avoir constaté les franchissements de paliers symboliques du prix du baril de pétrole brut, les consommateurs commencent à en ressentir les effets. Ça fait mal. Et on sait que ce n'est pas un phénomène temporaire, que c'est une tendance lourde à laquelle on va devoir s'adapter. Et on commence, doucement, à limiter ses trajets, à s'organiser autrement.

Bref, ce que les écologistes disent depuis plus de trente ans, sans être franchement écoutés et encore moins entendus, le marché, si imparfait soit-il, est en train de le faire comprendre à tous les acteurs. Finies les déclarations de bonnes intentions, maintenant, on passe à l'action ou à la caisse, au choix. Et si on passe à la caisse, c'est en connaissance de cause: on ne pourra pas le faire éternellement, il suffira d'une tension de plus sur les stocks pour que l'élixir devienne un luxe hors de portée.

Le marché est en train de réussir là ou l'écologie politique a échoué. Alors bien sûr, la méthode n'est pas très agréable, l'accompagnement psychologique est limité, et pour beaucoup, les conséquences seront radicales. On va devoir se faire à ce changement à moyen terme, puisque nous — et nos représentants — n'avons pas eu le courage de le préparer sur le long terme.

Mais voici que les représentants politiques, dans une belle unanimité, s'apprêtent à casser le thermomètre, à éteindre les voyants du signal prix qui clignotent au rouge et nous préparent au changement, à moins prendre à sa voiture, à co-voiturer.

Défiscalisons! Après tout, ce n'est pas comme si l'État avait besoin de ressources supplémentaires pour espérer retrouver des marges de manœuvre par ailleurs... Faisons en sorte que l'on puisse continuer à consommer comme on l'a fait. Puis, la demande augmentant encore, nous défiscaliserons encore quand les prix atteindront un nouveau pic. Subventionnons, même! Augmentons la prime à la cuve, plutôt que d'investir les mêmes moyens pour améliorer l'efficacité énergétique des habitations et diminuer progressivement et durablement la consommation.

Plus dure sera la chute, quand on se réveillera de notre shoot collectif au Brut, et que l'on ne trouvera plus de carburant, parce qu'en ayant continué à s'en gaver, nous aurons épuisé le stock exploitable.

Qu'on ne vienne pas dire ensuite que les marchés (ou plutôt leurs acteurs) ont une vision court-termiste et sont irresponsables... Seul espoir: qu'après avoir fait le boulot de l'opposition française, l'Union européenne fasse celui de l'ensemble des responsables politiques français: nous aider à regarder en face ce qui nous arrive, et nous y préparer si possible.