Tout d'abord, que les choses soient claires: je ne porte pas de jugement quand au fond de l'affaire, les CNE et CPE sont des mesures aux effets complexes à évaluer, et je n'ai pas l'intention de m'exprimer sur l'ensemble du dispositif. Pour autant, la dualité CDD/CDI qui caractérise le marché du travail a des conséquences telles sur l'emploi et la précarité qu'il ne me semble pas à priori choquant que le gouvernement cherche une solution.

Ici, je veux juste revenir sur une idée qui est omniprésente dans le débat, mais qui est si fausse que je ne m'explique pas comment l'UMP a pu ne pas y répondre jusqu'ici. On l'entend et le lit partout: pour les syndicats comme pour l'opposition, les CNE et CPE permettent au patron de virer le salarié du jour au lendemain...

Comme souvent, c'est bien plus complexe que ce que le slogan, fort accrocheur j'en conviens, le laisse entendre. Et pour sortir de la pensée en slogan, quoi de plus efficace qu'un retour au texte?

Ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail nouvelles embauches, alinéa 2 Article 2

2° Lorsque l'employeur est à l'initiative de la rupture et sauf faute grave ou force majeure, la présentation de la lettre recommandée fait courir, dès lors que le salarié est présent depuis au moins un mois dans l'entreprise, un préavis. La durée de celui-ci est fixée à deux semaines, dans le cas d'un contrat conclu depuis moins de six mois à la date de la présentation de la lettre recommandée, et à un mois dans le cas d'un contrat conclu depuis au moins six mois ;

Résumé par l'ANPE, cela donne:

Au cours de cette période, appelée aussi période de consolidation dans l’emploi, le contrat peut être rompu à la demande de l’employeur ou du salarié par lettre recommandée avec accusé de réception.

En cas de rupture du contrat pendant cette période, un préavis doit être respecté, d’une durée de :

  • 15 jours pour une ancienneté dans le contrat comprise entre 1 mois et moins de 6 mois,
  • 30 jours pour une ancienneté dans le contrat à partir de 6 mois.

(Ces dispositions ne s’appliquent pas en cas de force majeure ou de faute grave du salarié)

Je suis le premier à déplorer que pendant le premier mois d'embauche, aucun préavis ne soit nécessaire. Mais un strict minimum d'honnêteté intellectuelle devrait tout de même inciter les opposants à dénoncer l'absence de préavis durant cette période du premier mois, au lieu de caricaturer et de rejeter tout en bloc, comme si l'on pouvait se réjouir du régime offert par le CDD et de son succès contre la précarité.

Pour rappel, un CDD est le plus souvent assorti d'une période d'essai, dont la durée est limitée à 1 jour ouvré par semaine dans une limite maximale de 2 semaines, pour un contrat dont la durée est inférieure ou égale à 6 mois et à 1 mois maximum dans les autres cas. Pour un CDI, sa durée moyenne est de de quelques jours pour les ouvriers, d'1 mois pour les employés, de 3 mois pour les cadres, de 6 mois pour les cadres supérieurs. Difficile de parler de régression sociale dans ce domaine!

Bref, le jour où l'opposition et ses électeurs comprendront qu'il y a plus à gagner à être intelligent que frontal, on pourra peut-être commencer à réfléchir à une alternative cohérente et populaire à la dualité CDD/CDI. D'ici là, on continuera à laisser un boulevard à l'UMP tout en faisant beaucoup de bruit pour aucun résultat.